Dernière mise à jour le 13 février 2023
Lorsque plusieurs actionnaires minoritaires de la SAS s’opposent à une décision prise en assemblée générale extraordinaire, on parle de minorité de blocage. Il s’agit d’une protection des actionnaires minoritaires contre les abus de pouvoir des actionnaires majoritaires. Néanmoins, il ne faut pas en abuser.
Concrètement, qu’est-ce que la minorité de blocage ? Comment la mettre en place ? Voici tout ce qu’il faut savoir sur la minorité de blocage.
La minorité de blocage est une action permettant aux actionnaires minoritaires de la SAS (ceux qui détiennent le moins de nombres d’actions dans la société) de s’opposer à une décision prise en assemblée générale extraordinaire. Ici, on prend en compte les droits de vote détenus par l’actionnaire et non ses apports dans le capital social. En effet, pour rappel, la SAS permet d’attribuer aux actionnaires des droits de vote non proportionnels à leurs apports grâce à une grande liberté des actionnaires. Ce qui n’est pas le cas des autres formes juridiques telles que la SARL ou encore la SA.
D’ailleurs, cela leur permet aussi d’attribuer à certains actionnaires des titres de participation spécifiques dénommés « actions de préférence ». Ces dernières permettant aux détenteurs de bénéficier de certains privilèges. Par exemple, des droits de vote doubles ou triples, ou encore des droits financiers leur permettant de percevoir des dividendes en priorité par rapport aux autres actionnaires.
Par ailleurs, les règles de quorum et de majorité applicables pour chaque décision sont librement fixées par les actionnaires dans les statuts. En principe, les décisions qui ont pour conséquence la modification des statuts sont prises à la majorité des voix. C’est le cas lors d’une augmentation de capital, un transfert de siège social, un changement de dénomination sociale, etc. Pour certaines décisions, notamment les clauses statutaires de nomination d’un liquidateur, de cession forcée ou d’inaliénabilité, l’unanimité est requise.
Pour mettre en place une minorité de blocage en SAS, le nombre de voix requises dépend des règles de majorité applicable pour voter une résolution. Dans les faits, pour une majorité au 2/3, les actionnaires minoritaires peuvent s’opposer à une décision s’ils réunissent 33 % + 1 voix. Si la majorité est au 3/4, il suffit aux actionnaires minoritaires de réunir 25 % + 1 voix pour bloquer une résolution.
À noter que la minorité de blocage est généralement mise en place lors des décisions modifiant les statuts.
Grâce à la minorité de blocage, les actionnaires qui disposent de peu de voix dans la SAS peuvent s’opposer à certaines décisions. Néanmoins, il est primordial de ne pas en abuser, auquel cas l’opposition sera considérée comme un abus de minorité. De ce fait, les actionnaires minoritaires doivent faire attention à ce que leur opposition ne serve pas leur intérêt personnel. Elle doit être formulée dans l’intérêt général de la société.
Prenons un exemple. Les actionnaires ont voté au cours d’une assemblée générale extraordinaire le transfert de siège social. Des actionnaires minoritaires s’opposent au déménagement, car le nouveau local se trouve loin de leur domicile. Pourtant, il est nécessaire pour diminuer l’imposition de la société (diminuer la cotisation foncière des entreprises et profiter d’autres avantages fiscaux) et ainsi améliorer la trésorerie de la SAS. Par contre, si les actionnaires minorités ont instauré une minorité de blocage parce qu’ils n’étaient pas au courant de la situation de la société pour prendre une décision (les dirigeants ont omis de communiquer certaines informations), cela ne constitue pas un abus de minorité.
L’abus de minorité, s’il est avéré et constaté grâce à une plainte porte par les actionnaires majoritaires ou à une observation du tribunal, est puni par la loi. En effet, les actionnaires minoritaires engagent leur responsabilité civile. Ils sont alors contraints de verser des dommages-intérêts à la SAS pour abus de droit. Cette sanction a pour finalité de réparer le préjudice subit et permettre à l’entreprise de survivre et de continuer à fonctionner dans de bonnes conditions. Dans des cas extrêmes, le juge peut prononcer la dissolution de la SAS.
Par ailleurs, il peut arriver que le juge désigne un mandataire pour représenter les actionnaires minoritaires sanctionnés au cours d’une nouvelle assemblée générale extraordinaire. Son rôle est de voter au nom et pour le compte de ces actionnaires minoritaires pour préserver l’intérêt social tout en veillant à respecter leur légitimité.
Bon à savoir : un abus de minorité est avéré lorsque :
L’abus de minorité nuit autant à la société qu’aux actionnaires minoritaires. Pour éviter cette situation, plusieurs solutions s’offrent au (x) dirigeant (s) et aux actionnaires de la SAS.
La liberté de rédaction des statuts de la SAS est un couteau à double tranchant. Si elle permet aux actionnaires de définir le mode de fonctionnement et d’organisation de la société, elle est aussi une porte ouverte aux conflits et aux litiges. D’où l’importance de se faire accompagner par un professionnel pour avoir une vision large de tous les détails.
Une réunion des actionnaires se prépare. Outre la convocation, certains documents utiles doivent aussi être transmis à l’ensemble des actionnaires avant la date butoir. Ainsi, ils auront toutes les informations en main pour prendre les bonnes décisions. De plus, il sera plus facile de les convaincre sur certaines résolutions à voter.
Une société réunissant plusieurs actionnaires s’expose régulièrement aux divergences d’opinions et de points de vue. Pour éviter les conflits et les litiges conduisant à des abus de minorité (ou de majorité), les dirigeants doivent faire en sorte d’établir une relation de confiance entre les actionnaires. Pour ce faire, ils doivent favoriser la communication, l’échange et le dialogue. Cela permet d’avoir une vision commune des objectifs de la société.
Si la répartition des droits de vote non proportionnelle à l’apport dans le capital social est une spécificité de la SAS, elle n’est pas obligatoire. Une répartition équitable des actions en fonction des apports permet d’éviter les abus de minorité.
Par Romain Laventure
Secrétaire Général de Kandbaz, en charge du pôle juridique, Administrateur du Synaphe (syndicat professionnel de l’hébergement d’entreprise)
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